jeudi 25 octobre 2012

Sacrifices, de Pierre Lemaitre


Troisième volet mettant en scène le commissaire Verhoeven, Sacrifices reprend la méthode Pierre Lemaitre : une écriture formidable au style vif, sans fioritures, et une intrigue haletante, mêlant psychologie et action, qui n’est jamais ce qu’elle paraît être.
Les trente premières pages sont les plus belles du livre. Une femme surprend des braqueurs dans une bijouterie. Le hold-up tourne mal. La femme se fait littéralement démolir le portrait. La victime en question se trouve être la nouvelle compagne de Verhoeven et lorsque l’on connaît le passé du commissaire on comprend que la scène est poignante. Ces quelques pages sont un condensé des obsessions qui parcourent l’œuvre de Lemaitre : pessimisme, amertume, écœurement devant le mal, relations entre douleurs physiques et psychologiques. Ces pages sont réellement déchirantes.
Le reste est sans doute plus classique – Verhoeven plus désespéré que jamais s’engage dans une vendetta - mais pas moins accrocheur. Un conseil quand même : à ceux qui découvriraient Pierre Lemaitre, lisez impérativement cette saga dans l’ordre de parution, à savoir : Travail soigné, Alex et enfin Sacrifices.

Sacrifices, de Pierre Lemaitre, Ed. Albin Michel, 362 pages

Munitions, de Ken Bruen


Avec ce septième épisode de la série Robert & Brant, l’Irlandais Ken Bruen poursuit son hommage au 87e district. C’est d’ailleurs sur un Brant désemparé par la mort d’Ed Mc Bain que s’ouvre le récit. La suite est comme d’habitude un instantané vif, drôle, brutal et méchant dans la vie d’un commissariat de Londres qui, d’épisode en épisode, semble prendre une tournure toujours plus pourrie (la méthode Brant fait des émules). Un de ces petits plaisirs qui ne se refuse pas.

Munitions, de Ken Bruen, Ed. Gallimard, Série Noire, traduit de l’anglais par Daniel Lemoine, 240 pages

lundi 15 octobre 2012

La Désobéissance, d’Alberto Moravia


Un livre fascinant d’Alberto Moravia (« Le Mépris », « L’Ennui »), psychologique autant que politique, écrit en 1948. L’histoire d’un jeune garçon qui se rebelle contre le monde bourgeois dans lequel il est élevé et qui va, petit à petit, au fil d’expériences, s’en détacher. Première étape : s’empêcher d’apprendre. Dormir au lieu d’ouvrir ses livres de classe. Puis se défaire de tous ses biens matériels en les donnant, sans contrepartie. Même, et avant tout, les objets qui lui sont le plus cher. Jeter son argent. Puis cesser progressivement de se nourrir. Diviser les portions quotidiennes par deux. Puis par trois. Après chacune de ces actions, le jeune garçon en analyse les effets, les émotions qui les accompagnent, tout en sachant dès le début vers quoi aboutira inexorablement cette ascèse. Mais c’est justement parce qu’il touchera la mort de près qu’il pourra alors renaître.

La Désobéissance, d’Alberto Moravia, traduit de l’italien par Michel Arnaud, Ed. Denoël (en poche aux Ed. Folio Gallimard), 182 pages 

Nager sans se mouiller, de Carlos Salem


Très sympa ce « Nager sans se mouiller » de Carlos Salem. Deuxième roman de cet écrivain né à Buenos Aires qui vit depuis vingt ans à Madrid, on y découvre une écriture légère mais affirmée, faisant alterner habilement loufoquerie et moments plus introspectifs. Le héros est un tueur à gages obligé d’infiltrer bien contre son gré un camping naturiste pour sa dernière mission. C’est donc dans son plus simple appareil que notre homme va croiser espions et contre-espions, un flic hargneux et une jolie blonde très décomplexée, ou encore sa propre ex-femme qui ne sait rien de sa double vie et qui a eu la bonne idée de venir camper dans le coin avec son nouvel amant. Voilà pour le côté farfelu. Au-delà de ça, il y a  les pensées de l’homme sur sa vie et sa relation avec sa famille : des petites réflexions toujours bien senties qui ne ralentissent en rien une intrigue menée tambour battant. Bref, un polar original et rafraîchissant.   

Nager sans se mouiller (Matar y guardar la ropa), de Carlos Salem, Ed. Actes Sud (et en poche aux Ed. Babel), traduit de l’espagnol par Danielle Schramm, 295 pages   

Atomka, de Franck Thilliez

Franck Thilliez maintient son rythme tendu de parution avec un huitième roman, la suite des aventures de Franck Sharko et Lucie Hennebelle, dans la droite ligne de « Syndrome E » et « Gataca ». Sans doute est-ce pour cela d’ailleurs que je n’ai pas vraiment accroché (en y réfléchissant je me rends d’ailleurs compte que les seuls romans de Thilliez que j’ai aimés sont ceux où ces héros récurrents n’apparaissent pas). Cette fois, il est question de Tchernobyl (comme dans le livre de Choplin dont j’ai parlé récemment, mais alors sous une approche, faut-il le préciser, totalement différente), d’obscures expériences scientifiques… Comme dans « Syndrome E » on voyage beaucoup, entre la France, le Mexique, l’Ukraine, on élabore de grandes théorie sur le mal, la vie, la mort… Thilliez fait dans le grand spectacle sur 600 pages et au final… ne m’impressionne pas. J’attendrai donc son prochain roman, en espérant que ce soit un petit diamant, aussi affûté que l’était « Vertiges ».    

Atomka, de Franck Thilliez, Ed. Fleuve Noir, 600 pages

Harcelée, de Jason Starr


Je continue à avancer dans les romans de Jason Starr. Voici donc son huitième roman, paru en 2007 aux USA, « Harcelée ». Katie est une jeune femme qui a quitté son Massachusetts natal pour tenter l’aventure new-yorkaise. Sauf que tout ne se passe pas comme dans ses rêves. Boulot difficile, solitude, relations amoureuses flottantes… Et puis un jour, tout change. En tombant par hasard sur Peter, une vieille connaissance du Massachusetts, Katie va entrevoir la vie qu’elle a toujours espérée, oubliant sans doute que les contes de fée, ça n’existe pas dans la réalité.  Même s’il se lit sans déplaisir, j’ai été un peu moins emballé qu’à l’habitude par ce roman de Jason Starr. L’écriture est toujours aussi efficace et toute la première moitié est vraiment très bien (en particulier la description de la relation entre Katie et Andy, son premier petit ami totalement immature). Mais sans doute l’intrigue aurait-elle méritée d’être plus resserrée car mon intérêt s’est un peu relâché dans la seconde moitié plus convenue qui se focalise plus sur Peter, le prince charmant qui se trouve être un psychopathe de première. Je suis difficile parce que j’aime beaucoup cet écrivain, mais dans le genre du thriller, ce roman se situe tout de même en haut du panier (bien meilleur par exemple que « Faux Coupable » de John Katzenbach sur une intrigue similaire). 

Harcelée, de Jason Starr, Ed. du Rocher (et en poche aux Ed. Rivages/Noir), traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marie Ollivier-Caudray, 375 pages