lundi 26 novembre 2012

Le temps du rêve, de Norman Spinrad


Dans un futur proche, une nouvelle machine fait fureur. Mieux que la télévision, le Dreammaster se connecte directement à votre crâne pour vous immerger dans les scénarios de vos rêves les plus fous. Le Dreammaster gomme vos angoisses, vous câline le cerveau. Avec lui, vous ressentez le frisson de l’aventure sans encourir de risques. Avec lui, vous pouvez dormir en paix. Confortablement. Aussi longtemps que vous le désirez.
Pour nous décrire ce nouvel opium du peuple, Norman Spinrad nous colle la fameuse machine sur notre propre cerveau en optant pour un récit à la seconde personne. S’enchaînent alors une multitude de flashs surréalistes et de scènes fantasmagoriques dans un flux ininterrompu. Le parti pris littéraire est tranché. Du coup, on accroche ou pas. Personnellement j’ai dévoré le livre. On est quelque part entre Philip K. Dick pour les thèmes abordés (on pense évidemment à Total Recall) et à William S. Burroughs pour le style façon cut-up. D’ailleurs, même si j’ai beaucoup aimé le livre, j’émettrais une critique, ou plutôt un regret : j’aurais aimé que Spinrad soit encore plus radical sur la forme. Happé comme je l’étais par le récit, j’étais prêt à accepter une logorrhée psychédélique interminable, un verbiage hypnotisant sans fin, à la Burroughs ou à la Guyotat.
Une fois cette remarque faite, « Le temps du rêve » reste un excellent livre. J’ai particulièrement aimé la structure du récit. On passe progressivement de rêves « tout public » à des scénarios « interdit aux moins de 12 ans » puis un peu « olé olé » (la pornographie étant interdite). Vient ensuite la meilleure partie du livre, avec des virus qui affectent le Dreammaster et créent des interférences cauchemardesques au sein de rêves angéliques. Et enfin l’apparition d’un module antivirus qui vient rétablir la douce berceuse.
Comme il le faisait déjà avec ses livres précédents, « Jack Baron et l’éternité » en tête, Spinrad met en garde contre le contrôle des masses, la société du spectacle, les médias et l’uniformisation de la pensée. Il le fait cette fois sous une forme plus expérimentale qu’à l’ordinaire et j’espère qu’il ira encore plus loin la prochaine fois. 

Le Temps du Rêve, de Norman Spinrad, traduit de l'angalis (USA) par Sylvie Denis et Roland C. Wagner, Ed. Fayard, 220 pages

lundi 19 novembre 2012

Le Carcan, de Bill Pronzini


Je suis tombé sur le nom de Bill Pronzini grâce à la revue 813. Je ne connaissais pas du tout cet auteur américain qui a fait les belles heures de la Série Noire dans les années 70 et 80 mais dont les traductions françaises ont brutalement cessé au début des années 90. Dommage, d’autant que l’auteur continue aujourd’hui encore à sortir des livres aux USA (une bonne cinquantaine au compteur). Une trentaine de ses livres s’inscrit dans une série, initiée en 1971, qui met en scène le détective sans nom « Nameless ». Ecrit en 1988, « Le Carcan » en fait partie.
Le point de départ du roman est aussi simple que machiavélique : Nameless est enlevé par un inconnu, enchaîné dans un chalet isolé et laissé à l’abandon, sans explication, avec juste un peu de nourriture pour tenir 13 semaines environ. Une grande partie de l’histoire se déroule donc en huis clos avec un Nameless cherchant à comprendre pourquoi il se trouve dans cette situation tout en tentant de trouver un moyen de s’évader. Le récit est vraiment bien construit, extrêmement prenant sans jouer pour autant sur de multiples rebondissements. J’ai beaucoup aimé l’écriture de Pronzini et son héros est très attachant. Voilà qui me laisse penser que j’y reviendrai. J’ai déjà noté quelques titres qui s’annoncent prometteurs.

Le Carcan, de Bill Pronzini, traduit de l’anglais (USA) par Noël Chassériau, Ed. Galimard Série Noire, 270 pages

dimanche 18 novembre 2012

Le Tableau du maître flamand, d'Arturo Pérez-Reverte


« Le Tableau du maître flamand » a rencontré un succès international depuis sa parution en 1990. Je ne m’y étais jamais frotté. C’est désormais chose faite. Résultat : un roman policier plutôt plaisant, mais dont je ne garderai pas non plus un souvenir impérissable. Le suspense de ce roman à énigme se construit essentiellement autour d’une partie d’échecs (représentée sur un tableau vieux de deux siècles) qu’un tueur décide de poursuivre à distance avec une certaine Julia, restauratrice de tableaux. L’héroïne découvre alors que chaque pièce qui se fait prendre sur l’échiquier provoque fatalement la mort d’une personne. C’est astucieux mais finalement pas assez accrocheur pour aller jusqu’à me tenir en haleine toute une nuit durant.
     
Le Tableau du maître flamand, d’Arturo Pérez-Reverte (traduit de l'espagnol par Jean-Pierre Quijano), Ed. J.-C. Lattès et Le livre de poche, 300 pages

mercredi 7 novembre 2012

Un froid d'enfer, de Joe. R. Lansdale

Vu le titre de ce blog, vous deviez vous en douter : je suis un grand fan de Joe R. Lansdale. "Les Marécages", "Juillet de sang", la géniale série des Hap Collins et Leonard Pine... C'est donc avec une pointe de déception que je referme ce "Un froid d'enfer" qui ne m'a pas vraiment emballé. L'histoire commençait pourtant très bien. Bill vit avec sa mère... enfin, le cadavre pourrissant de sa mère "en partie mélangé au matelas". Mais plus de mère = plus de chèques de pension = plus d'argent. D'où l'idée absolument géniale de braquer le vendeur de feux d'artifice situé juste de l'autre côté de la rue... Evidemment, le braquage tourne mal et, pour échapper à la police, Bill décide de se cacher dans la forêt. Jusque là, le roman est parfait, à la fois drôle, glauque et punchy. Puis l'ambiance change lorsque Bill tombe sur un cirque itinérant qui abrite toute sorte de freaks avec qui il va désormais partager sa vie.
Voilà, c'est à partir de là que mon intérêt s'est étiolé. Pourtant Lansdale sait raconter des histoires et a toujours quelques dialogues haut en couleur qui ne peuvent que nous arracher un sourire. Mais malgré cela je suis resté extérieur au récit, peu séduit par l'univers trop étrange de cette foire aux monstres. Déçu donc, mais tout de même pas au point de changer le titre du blog.    

Un froid d'enfer, de Joe R. Lansdale, (freezer burn) traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Joe Sandri, Ed. Murder Inc. et Folio policier, 230 pages.      

vendredi 2 novembre 2012

La Vérité sur l'affaire Harry Quebert, de Joël Dicker

C'est le livre dont tout le monde parle en ce moment et on se demande un peu pourquoi. Certes, en tant que petit roman policier distrayant, "Harry Quebert" remplit à peu près sa part du contrat. Disons que ce n'est pas pire que la grande majorité des thrillers qui sortent chaque mois (mis à part néanmoins que 650 pages pour une intrigue pas bien originale, c'est vraiment, vraiment trop long). Par contre, parler de construction géniale, louer une réflexion pointue sur la société moderne et la littérature (en gros parce que le protagoniste est écrivain et qu'on nous sert de la mise en abyme au kilo), dire que l'on tourne les pages frénétiquement... me parait assez incompréhensible. Quant au Grand Prix de l'Académie Française... j'en reste sans voix. Une nouvelle hallucination collective.

La Vérité sur l'affaire Harry Quebert, de Joël Dicker, Ed. de Fallois/L'Age d'Homme, 650 pages.