dimanche 17 mars 2013

Rien, plus rien au monde, de Massimo Carlotto


Sous-titré « Monologue pour un crime », « Rien, plus rien au monde » nous place dans la tête d’une femme pauvre et désespérée. Ses seuls objets d’évasion : les programmes médiocres de la télévision et les journaux à sensation. Ils constituent aussi la seule lueur d’espoir qu’elle voit briller pour sa fille. A 20 ans, si elle continue comme ça, la gamine finira comme la mère. Mais plutôt que d’essayer de se trouver un mari riche, plutôt que de postuler pour devenir potiche à la télé ou de s’inscrire à une télé-réalité, la fille ne trouve rien de mieux que de s’encanailler d’un immigré tunisien et de dépenser son argent en collectionnant des bibelots… A croire qu’elle fait tout ça juste pour emmerder sa mère. Si elle s’évertue à ne pas vouloir comprendre, tout ça risque de mal finir…
Avec sa forme condensée (une cinquantaine de pages), le texte de Carlotto fait un effet dévastateur. Une fois débuté, le monologue nous entraîne comme un train fou vers une fin tragique. Les mots nous engloutissent, on se noie dans cette vie misérable, grise, où surnagent quelques espoirs pitoyables et dérisoires. Carlotto parle de la nouvelle pauvreté. Les vies sans but où ce que l’on gagne en travaillant permet à peine de payer le loyer, où l’on ne pense qu’à la façon de régler la prochaine facture, où l’on noie les soucis dans l’alcool et où l’espoir d’une vie nouvelle irradie du tube cathodique. Un texte fort mais franchement déprimant.

Rien, plus rien au monde, de Massimo Carlotto, traduit de l’italien par Laurent Lombard, Ed. Métailié, 70 pages.

lundi 11 mars 2013

L’immense obscurité de la mort, de Massimo Carlotto


Après « A la fin d’un jour ennuyeux », j’ai eu envie de découvrir un peu plus l’œuvre de Massimo Carlotto. On m’a recommandé « L’immense obscurité de la mort » et le conseil était avisé. J’ai retrouvé tout ce qui m’avait tant plu dans les précédents ouvrages de l’auteur italien : une écriture sèche et incisive, un récit sombre et dérangeant, une réflexion complexe sur le fonctionnement de notre société.

Silvano Contin est un homme détruit depuis l’assassinat  de sa femme et de son fils. L’assassin a été condamné à perpétuité mais, au bout de quinze ans de prison, on envisage de le laisser sortir car un cancer le ronge, ne lui laissant qu’à peine deux ans à vivre. Voilà le point de départ de l’histoire. A chaque chapitre, le point de vue s’échange entre celui de la victime et celui du condamné. Au bout de quelques chapitres, j’avais l’intuition de m’engager dans quelque chose de fort mais de déjà vu. Mais vers la moitié du récit, tout bascule. Carlotto nous entraîne sur des chemins qu’on n’aurait jamais imaginés. Voilà ce que j’aime tant avec cet auteur : le voir prendre une situation qui nous semble familière et l’exploiter sous un angle totalement original. Alors, oui, comme le suggère l’histoire, l’auteur questionnera les notions de justice, de pardon et de vengeance. Mais la façon qu’il aura de le faire risque bien de vous laisser un brin chancelant.

L’immense obscurité de la mort, de Massimo Carlotto, traduit de l’italien par Laurent Lombard, Ed. Métailié, 190 pages

Captif, de Neil Cross


J’avais beaucoup aimé le premier roman traduit en français de Neil Cross, « L’homme qui rêvait d’enterrer son passé ». Il m’avait pas mal fait penser aux romans de Jason Starr par son réalisme, par son côté « engrenage infernal » et par son écriture limpide et accrocheuse. J’étais donc tout content de me lancer dans « Captif », et puis… patatra ! J’ai rien aimé. Mais rien de rien. Je me suis ennuyé, j’ai trouvé que rien n’était crédible et que tout était parachuté. Rien à sauver. L’histoire en deux mots quand même : un homme enquête sur la disparition d’une de ses amies d’enfance, soupçonne le mari de celle-ci, pète un plomb et le séquestre). Alors, je sais que certains on aimé ce livre. Que d’autres non. Que d’autres encore ont aimé le premier et pas le deuxième… et vice versa. Conclusion : je crois que Neil Cross, faut pas trop essayer de chercher de logique, y’en a pas. Donc un conseil : ne vous fiez pas à mon avis.  

Captif, de Neil Cross, traduit de l'anglais par Renaud Morin, Ed. Belfond, 360 pages (mais avec des marges qui occupent la moitié de la surface d'une page et une typo 57 plus grande que celle d'un Oui-Oui)

jeudi 7 mars 2013

Emergency 911, de Ryan David Jahn


L’Américain Ryan David Jahn avait signé un très bon polar psychologique l’année dernière, « De bons voisins ». Le revoici avec un nouveau livre très différent, plus axé thriller à la sauce flic-texan-qu’a-peur-de-rien VS redneck-bouseux-qui-séquestre-des-gamines-sans-trop-comprendre-ce-qu’il-y-a-de-mal-à-ça.
Le roman débute alors que Ian, flic dévasté depuis l’enlèvement de sa petite fille il y a sept ans, reçoit un appel au 911. A l’autre bout du fil : sa fille, bien vivante, qui est parvenue à s’échapper de la cave où on la séquestrait. Manque de bol, son ravisseur est sur ses traces et parvient à la récupérer. Avec les nouveaux indices qui viennent de surgir, Ian va alors tout faire pour récupérer son enfant
Très différent de « De bons voisins » disais-je. Le réalisme, la psychologie des personnages : out ! Bon, pour le réalisme, admettons, on est dans un thriller alors laissons-nous porter par l’action. Par contre c’est plus gênant pour la dimension psychologique. Une chose m’a vraiment embarrassé : je n’ai jamais ressenti que Ian était dévasté par la disparition/mort de sa fille. Je n’ai pas ressenti non plus qu’il était bouleversé lorsqu’il se rend compte qu’elle est finalement bien vivante au bout de 7 ans. Ryan David Jahn se contente de nous décrire son pétage de plomb et ses actions extrêmes (poursuite du couple qui a séquestré sa fille avec quelques gros calibres, torture bien tranchante pour obtenir des informations…) Alors forcément, on comprend bien que s’il fait tout ça, s’il va aussi loin, c’est parce qu’il est bouleversé. On le comprend. Mais on ne le ressent pas.
Reste que le livre se lit bien. Qu’on y trouve ce qu’il faut d’action et de suspense pour ne jamais s’ennuyer. Et que Ryan David Jahn a un vrai style. Mais en le voyant se contenter de signer un petit thriller – bien réalisé mais amené à être vite oublié - je ne peux pas m’empêcher de faire mon grincheux.

Emergency 911 (The Dispatcher), de Ryan David Jahn, traduit de l'anglais (USA) par Simon Baril, Ed. Actes Sud, 336 pages.

vendredi 1 mars 2013

À la fin d’un jour ennuyeux, de Massimo Carlotto


« A la fin d’un jour ennuyeux » fait suite à « Arrivederci amore ». On y retrouve le même ignoble salopard, Giorgio Pellegrini, criminel misogyne et violent, calculateur et amoral, prêt à tuer et à torturer dans l’instant si cela peut lui être profitable. Inutile d’avoir lu le premier opus pour s’attaquer à celui-là mais, les deux étant excellents, ne vous privez pas du plaisir de les lire l’un après l’autre.
Massimo Carlotto signe un roman passionnant mais très noir, où chaque page nous pousse à l’indignation. Au centre de l’intrigue, Girogio Pellegrini, donc, propriétaire influent d’un restaurant et accessoirement à la tête d’un réseau de prostitution haut de gamme. Mais bientôt la chance va tourner avec l’entrée en jeu de la mafia. Evidemment, Pellegrini ne va pas tarder à reprendre la main en élaborant un plan pour s’en débarrasser.  
Roman déplaisant, mais roman passionnant. Massimo Carlotto a le chic pour nous plonger dans le pire de la société d’aujourd’hui où le profit et l’intérêt personnel priment sur tout. J’ai particulièrement apprécié la fin du livre avec un Pellegrini plus que jamais confortablement intégré au sein d’un système corrompu. La criminalité dans laquelle il s’inscrit a changé, moins risquée et plus rentable. Fini les putes. Place à la finance et à la politique. Prévue pour 2015, la suite s’annonce diablement excitante.          

À la fin d’un jour ennuyeux, de Massimo Carlotto, traduit de l’italien par Serge Quadruppani, Ed. Métailié Noir, 192 pages.